D’apres Wikipedia :
L'auteur y regroupe cinq nouvelles : Le Portrait, Le Journal d'un fou, La Perspective Nevski (récits d'abord publiés, en 1835, dans le recueil Arabesques), Le Nez (publié pour la première fois en 1836, dans la revue littéraire Le Contemporain) et Le Manteau (publié en 1843, dans les Œuvres complètes)[1].
mon projet perso = https://thegarfieldcube.wordpress.com/
Le manteau si quelqu'un a une explication dé la fin je veux bien.
Les tomates mises avec les aromates se parfument et évitent partiellement les limaces. Ce qui n'empêche pas les règles, pas d'ail avec les tomates; les déchets de table c'est très bien au compost mais pas sous le lit.
Hermelk a écrit : ↑08 mai 2021, 23:15
Le manteau si quelqu'un a une explication dé la fin je veux bien.
mes réflexions :
Ouais, je sais pas trop...
Est-ce qu'au final, le Général est mort aussi d'avoir paumé son manteau ? Mais j'ai pas trouvé de description disant qu'il avait une grande moustache.
Est-ce le fait d'avoir un nouveau manteau donne de la prestance à Akaki ?
Hermelk a écrit : ↑08 mai 2021, 23:15
Le manteau si quelqu'un a une explication dé la fin je veux bien.
Selon la page Wikipedia qui traite de l’analyse de l’œuvre, le passage clé de la nouvelle serait « il frissonna en voyant combien l’homme recèle d’inhumanité, en constatant quelle grossière férocité se cache sous les manières polies, même, ô mon Dieu, chez ceux que le monde tient pour d’honnêtes gens... »
À mon humble avis, le spectre de Akika finit pas se volatiliser car il a finalement obtenu sa vengeance (en volant le manteau de son tourmenteur). Le deuxième spectre qui apparaît serait plutôt une autre « victime de l’inhumanité » et l’auteur essaye donc d’encourager chacun à être un bon samaritain, afin d’éviter qu’on se retrouve avec une foule de spectres dans nos rues.
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Merci à tous les deux ! Hâte de débriefer, je viens de finir, bcp aimé le Portrait !
Moins le reste, j'avoue.
Les tomates mises avec les aromates se parfument et évitent partiellement les limaces. Ce qui n'empêche pas les règles, pas d'ail avec les tomates; les déchets de table c'est très bien au compost mais pas sous le lit.
Hello, j'ai lu le manteau et me suis sauce pour une petite analyse littéraire. Cest fait vite fait apres une seule lecture donc il y aura encore plein de choses à creuser/ajouter, mais l'idee dune analyse littéraire est de faire ressortir les points saillants dune œuvre pour en definir les enjeux. En cela, elle facilite l'accès de l'œuvre à tout lecteur.
Je mets en spoiler puisqu'elle dévoile des éléments narratifs mais certains préfèrent parfois lire une nouvelle en en ayant vu une grille de lecture.
Le manteau est comme beaucoup d’oeuvre de Gogol la mise en cause du système des fonctionnaires.
Mettant tout-ensemble “les fonctionnaires, officiers, employés de bureau et autres gens en place” il les décrit comme des hommes se reproduisant eux même; leurs patronymes en sont la marque la plus révélatrice puisque chaque personnage masculin a le même nom que son père (Akaki akakiévitch, filleul de Ivan ivanovitch.)
C’est cette conformité qu’Hannah Arendt décrit comme le mécanisme aboutissant à une société de la masse qui est mis en exergue par Gogol, peuplant le monde de fonctionnaire de gens indifférenciés mais “très bien sous tous rapports”, “excellents” ou “honnêtes hommes”. Des hommes tous semblables qui en deviennent susceptibles puisque “chaque particulier croit que si l’on touche à sa personne, toute la société en est offensée”. Chacun représente par son indifférentiation l’ensemble de la société, et on est donc à l’opposé complet de quoique ce soit de “particulier”. Ces hommes indifférenciés évoluent cependant dans une société hiérarchisée où l’on brigue les titres distingués (et distinguants); mais une fois qu’on les possède, on devient prisonnier du titre et de l’importance qu’il est censé revêtir : voulant être respectable on devient méchant et hautain, répétant à tout bout de champ “savez vous à qui vous vous adressez?!”; on refoule son empathie ou son envie de se mêler à certaines discussions de peur de dégrader la dignité de sa fonction; jusqu’en haut de la société on doit aussi être conforme à ce que l’on attend de nous.
Dans ces sociétés l’homme perd son caractère proprement humain et devient ce qu’Hannah Arendt appelle l’animal laborans. L’animal de labeur, la bête de somme, qui ne fait que ce qui est strictement nécessaire sans réléchir à la question du sens, au pourquoi. Il perd alors tout ce qui est spécifiquement humain : la liberté de ses choix et actions. C’est pourquoi on donne à
La où la nouvelle est surprenante, c’est que le seul contrepoint à cette société d’êtres identiques, c’est cette personne au prénom qui pourrait sembler “bizarre et recherché”, Akaki Akakiévitch. Nommé par sa marraine Irène Sémionovna Biélobriochkov - qui seule possède un patronyme détonnant et qui seule n’apparaît pas comme une énième “honnête femme de fonctionnaire” mais comme une femme “douée de rares vertus” - le héros de la nouvelle se distingue dès sa naissance et son baptème non pas par son originalité, mais au contraire par sa conformité extrème! Plutôt que de se distinguer en étant vraiment original et s’appeller Triphille ou Barachise, il s’appellera comme son père Acace et donc Akaki Akakiévitch.
Akaki Akakiévitch, ce patronyme qui semble un renouvellement interminable du même phonème, est la caricature de ce monde de fonctionnaire déshumanisé; il n’a pas d’autres intérêts que son travail qui consiste en la tâche la plus abêtissante qui soit : recopier des textes; on lui donne les dossiers sans même la politesse habituelle, et l’on ne fait pas plus attention à lui qu’à une mouche lorsqu’il entre quelque part. Il est si bien l’animal laborans que lorsqu’il rentre chez lui, là où la plupart se détendent en compagnie d’Autres (théâtre, whist, discussions sur les prétentions), lui reste seul et continue à travailler.
Par son absence de désir, il est l’aboutissement animal laborans, amoureux de sa tâche répétitive et déshumanisée, sans caractère, sans soin de son apparence, sans histoire (on ne sait plus quand il est arrivé au ministère et on le croit né avec un uniforme et un crâne dégarni) et sans activités extra-professionnelles. Il ne fait que ce qui est nécessaire sans se demander pourquoi, sans chercher autre chose. Et en l’absence totale de désir, il rejoint en quelque sortes l’idéal bouddhiste et se trouve donc, même en étant la victime de ces collègues de travail, totalement satisfait de son existence. Et grâce à Akaki Akiévitch, on peut voir par contraste l’humanité résiduelle des autres fonctionnaires. Eux ne sont pas encore complètement abrutis et possèdent encore la violence de désirs innassouvis qu’ils vont manifester en critiquant les “sous-pieds” des gens qu’ils observent marcher depuis leurs fenêtres, ou en s’acharnant sur un bouc-émissaire qu’ils vont pouvoir persécuter. Cette inhumanité que l’homme recèle et qui fait frissonner le collègue d’Akaki prouve qu’il y a encore une idée de l’humanité bien tapie sous l’obéissance à la conformité.
Derrière cet espace public lissé par les regards de la masse se cache un espace privé dans lequel sommeille encore une parcelle d’humanité et qui se manifeste à la fois par la férocité qui se cache sous des manières polies et par l’empathie que provoque Akaki chez son collègue et chez Son Excellence (donc toutes les classes sociales).
Le livre traite donc de l’humanité persistante dans un modèle inhumain qui tente de créer des fonctionnaires abrutis qui s’oublie dans la tâche pour l’Etat comme Akaki, mais crée aussi des êtres insatisfaits mesquins et violents.
Mais en fait, Akaki lui aussi est encore humain et cette humanité se révèle dans l’idée du manteau, qui d’abord l’effraie mais ensuite refait naître le désir. Il ne sait même pas exprimer son désir puisqu’il a pris l’habitude de s’exprimer principalement avec des adverbes, (mots invariables qui ne trahissent aucune émotion), mais seul, il peut, lorsqu’il est en sécurité chez lui, penser et planifier des actions, et ensuite révasser à l’image que ce nouveau manteau pourra lui donner; puis à être fier des compliments qu’on lui adresse, jusqu’à changer sa monotone existence et aller à une fête organisée en son honneur.
Sauf qu’il ne sait pas fonctionner dans ce monde. Lui il évolue dans un monde où il recopie des textes, et transpire lorsqu’on lui demande de changer de la 1ère personne à la 3ème. Son esprit d’adaptation et son esprit créatif n’ont jamais été stimulé et s’il est parfaitement conforme dans son travail comme cela lui a été demandé il est mais complètement non-conforme dans la vie des divertissement où de l’imprévu. Il n’arrivera pas à apprécier la fête, et sur le chemin du retour, se trouvant dans un endroit qui ne lui inspire pas confiance il ira… en fermant les yeux. Mauvaise idée. Il se fait dépouiller, et si peu préparé à la moindre nouveauté dans sa vie, il y est extrèmement sensible. Après la déconvenue que lui occasionne la remontrance injustifiée de son Excellence, il attrape une angine et meurt.
Il ne sait pas exprimer son désir qu’il va réprimer en s’enfuyant de la fête où en se refusant à suivre une belle fille qui passe par là, où en craignant un endroit qui lui semble dangereux. De la même manière que son Excellence ne sait pas exprimer son envie de se mêler à certains discussions où que le collègue ne saura pas exprimer l’humanité qu’il ressent lorsqu’il attend un “Je suis ton frère” derrière le “Que vous ai-je donc fait”. Conséquence : Il en meurt.
Mais la nouvelle devenant fantastique et donnant une existence à Akaki même après sa mort montre bien que le phénomène ne s’éteind pas avec lui. Il est le symbole d’une société entière qui déconne, et qui, torturant ceux qui l’ont crucifiés, les place potentiellement eux-aussi dans la posture de bouc-émissaire qui attend ceux qui expriment la singularité de leurs désirs.
@Toucan je suis d'accord avec toi mais pour moi ça va plus loin :
- Akaki s'exclut de la compagnie des hommes par le refus d'arborer les signes habituels de sociabilité comme : une conversation agréable, une vie de plaisir, ou un beau manteau.
- Il est du coup l'objet des moqueries de ses collègues, qui l'exclut comme tu le dis du genre humain
-Mais il n'en est pas affecté outre-mesure, demande simplement qu'on le laisse effectuer sa tâche qui le passionne. L'autre humain n'a que peu de valeur face à la mission qu'il s'est imposée, ou qui s'est imposée à lui.
- comme tu le dis, l'inhumanité s'exprime plus chez ces collègues que chez lui. Pour moi â travers Akaki, Gogol décrit un peu le poète obsédé par ses vers, son écriture, et en butte aux moqueries des Philistins, façon L'Albatros.
-De la même façon sa sensibilité exacerbée se trouve bien dans la confection du manteau, qui est tout de son fait avec le tailleur, comme un auteur avec son éditeur.
- Le manteau est l'occasion d'une fête, c'est un peu bizarre non ? Ça peut vouloir dire que le manteau est l'humanité sociale retrouvée d'Akaki, et qu'il est donc réintégré aux rangs des humains. Ça peut aussi dire qu'il s'agit de célébrer l'oeuvre d'art qu'est le manteau.
- Le dépouillement est cruel : oui il ne sait pas agir avec cette humanité retrouvée, mais les autres n'en prennent soin à aucun moment. Comme un symbole, le manteau a été jeté à terre pendant la fête. Le prétexte de la fête n'est donc bien qu'un prétexte. À partir de là, c'est normal qu'il soit broyé par la suite.
- Si on prend la lecture "manteau"= oeuvre, on peut y voir le fait qu'une oeuvre d'art peut-être aisément détruite, thème qu'on retrouve dans Le Portrait, et qui marque la vie de Gogol, et que la réception de celle-ci par les hommes est soit un miracle (tout le monde est frappé par la force de l'oeuvre) soit une catastrophe (personne n'y comprend rien et la met en pièce métaphoriquement).
-La fin m'a donc un peu laissé perplexe, on peut y voir Akaki qui tente de retrouver son humanité mais en se vengeant, ou bien de reprendre la main sur son œuvre (plus logique pour moi), mais je n'ai pas compris l'histoire du second fantôme du coup
En tout cas merci pour l'analyse, ça m'a poussé à réfléchir à ma vision de l'oeuvre !
Les tomates mises avec les aromates se parfument et évitent partiellement les limaces. Ce qui n'empêche pas les règles, pas d'ail avec les tomates; les déchets de table c'est très bien au compost mais pas sous le lit.
Selon moi, il faut distinguer deux sortes d’inhumanité dans le texte, avant de voir comment elles interagissent ensemble.
Deux manifestations d’inhumanité
L’inhumanité qui s’oppose aux sentiments nobles et humains comme l’empathie et la défense des faibles. C’est l’inhumanité la plus évidente, celle des collègues qui se moquent d’un innocent et le lynchent collectivement. Chacun n’existent que pour le groupe et non pour lui même, l’homme n’est pas la mesure de toutes choses, la meute l’est. C’est une inhumanité qui confère à une animalité, à un esprit de meute et à un manque d’empathie. Et lorsque la meute décide de s’en prendre à quelqu’un qui n’est pas de la meute, ceux qu’on appelle les “honnêtes hommes” lynchent la victimes de façon “inhumaine”, comme des animaux. C’en est tellement frappant qu’ils s’en rendent compte à la façon du collègue pris de remords, mais j’y reviens plus bas.
Il y a une autre forme d’inhumanité qui s’oppose à ce tout ce qui est profondément humain. Si pour Aristote “l’homme est un animal social (et politique)”, Akaki Akakiévitch est imperméable à tout ce qu’on lui fait et n’a aucun rapport social. Si pour Freud l’homme est désir, Akaki n’a aucun désir d’être avec les autres mais il n’a même aucun désir, exécute la tâche qu’on lui demande de faire, au boulot comme dans son espace privé. Si pour les romantiques l’homme est l’expression d’une subjectivité, Akaki ne sait même pas parler (puisque surtout avec des adverbes). Si pour les chrétiens, l’homme est l’image de Dieu dans le monde, c’est à dire qu’il est créateur et évolue dans un endroit et un moment bien marqué, Akaki n’a pas d’histoire et n’a aucune créativité.
C’est pour ça qu’à mon avis tu aurais tort d’en faire une sorte de passionné de son art qui en devient un peu associal à la façon des poètes puisque la tâche qu’il effectue c’est... de recopier des textes. On est loin du prince des nuées que ses ailes de géants empêchent de marcher.* *
Il y a pour moi un parallèle avec l’Albatros qui peut être fait, mais c’est avec le capitain Ispavnik cité au tout début de la nouvelle, qui prône de grandes idées comme “l’esprit des lois” qui perdent leurs sens, et les agrémentent d’un gros livre romantique (= expression de soi/humanité). Il est cependant comme l’Albatros maladroit et honteux puisqu’il se donne témoignage lui même (le livre écrit par Ispavnik met en scène Ispavnik), et qu’il est souvent dans le livre en état d’ébriété.
Dans ce soulard romantique, on retrouve comme dans l'Albatros l’envie de grandeur et l’inadaptabilité au monde qui se concrétisent par une auto-justification qui ne passe pas par l'assentiment d'autrui mais par une oeuvre personnelle.
Il est inséré à la nouvelle mais n'aura à mon sens pas d'écho, comme pour bien montrer la stérilité de cette orientation, seule, du moins.
Chez Akaki aucune invention, création ou virtuosité. Lorsqu'un "brave homme de directeur" lui donne un travail nouveau, supposément plaisant pour un humain, Akaki n'aime pas ca. "Il s’agissait d’extraire d’un mémoire complètement au point un rapport destiné à une autre administration : tout le travail consistait à changer le titre général et à faire passer quelques verbes de la première à la troisième personne. Cette tâche parut si ardue à Akaki Akakiévitch que le malheureux tout en nage se frotta le front et finit par dire :
« Non, décidément, donnez-moi quelque chose à copier. »
Le changement est violence, et il est dans une zone de confort robotique, abruti et imperméable à son environnement extérieur. L’inhumanité d’Akaki Akakiévitch renvoie plus à celle d’un objet, où d’un robot qui répète une tâche simple des milliers de fois sans transpirer ni laisser aucune émotion personnelle interférer sur le travail. Une limite à cette métaphore du robot c’est qu'Akaki ressent de l’amour pour sa tâche; Cependant ça ne ressemble pas un amour comme désir de ce que l’on n’a pas, mais plutôt l’amour comme symbiose totale de ce qu’on est avec ce que l’on fait; totalement concentré sur sa tâche et se sentant simplement heureux de se sentir en action il ressemble plus ici à une bête de somme, un boeuf, castré, qui tire son labour et hume l’air frais du matin. Le point commun de ces deux images est en tout cas l'absence de désir propre comme l'absence totale de créativité.
Alors quel est le lien entre ces deux inhumanités?
Selon moi, Akaki Akakiévitch est le parfait archétype de ce que veut produire la société, il en est l’aboutissement le plus parfait. C’est l’aliénation de Marx, un employé qui s’oublie dans son travail et ne pense à rien d’autre, ne dérange personne et répond admirablement bien à l’impératif catégorique de Kant (ne fais pas aux autres ce que tu veux pas qu’on te fasse) comme à l’imaginaire Stakhanoviste. Il est ce que deviendrait tous les collègues si l’on chassait leur inhumanité qui les pousse à s’en prendre en meute à un innocent. Mais c’est bien là qu’il y a une impasse. C’est pour ça que le collègue qui entend “Tu es mon frère” ne fait rien : Il remarque et s'affole de l’inhumanité dont ils font preuve collectivement mais ne veut pas s’en défaire pour autant; Peut-être sent-il que si ils arrêtent de martyriser Akaki, ils deviennent comme lui, sans rien pour se laisser détourner de leur labeur. C’est pour ça que je disais que leur inhumanité indique une sorte d'humanité. Déjà en creux puisque la simple pensée d’inhumanité suppose qu’on ait le concept d’humanité en tête -ce que ne semble pas avoir Akaki- mais elle est aussi l’expression de leurs désirs frustrés et de la violence qui sommeillent en eux, elle est l’expression de leur résistance à un système absurde et broyeur de désir et d’individualité; elle est le principal frein à l’inhumanité de bête de somme d’Akaki qui n’a plus aucune violence, aucun désir, aucun rien. Elle est ce qui leur reste.
L'humanité en sommeil.
Dans 1984 qui traite de la même uniformisation des hommes et leur transformation en outils pour le Parti, la grande question de la fin est : Est ce que le parti peut vraiment à force de torture et de séduction rendre stérile le résidu d’humanité d’un homme en lui faisant se méfier et nier ses instincts humains. Ici la question n’est pas posée. Derrière cette inhumanité de bêtes de meute des collègues et celle de bête de somme/robot d’Akaki, il y a un pont qui est fait par le “Tu es mon frère” entendu. Par delà les différences, dès qu’Akaki exprime sa plainte et son innocence, elle interroge l’humanité et l’empathie de ceux qui l’excluent en montrant bien que si il est innocent, ils pourraient bien se retrouver à sa place.
Son Excellence est pris de remords terribles quand elle apprend qu’Akaki est mort. C’est d’abord face à la mort que les hommes sont frères malgré les grands airs qu’ils se donnent.
Lynchage collectif et empathie : résidus d’humanité.
Pour bien comprendre que le lynchage collectif et l’empathie qu’elle provoque sont les deux faces d’une même pièce, il faut s'intéresser à René Girard et sa théorie mimétique, et voir que ça s’applique parfaitement ici comme le devine l’auteur en déplorant que L’esprit d’imitation a fortement infecté notre sainte Russie.
Résumée et appliquée ici, la théorie mimétique de René Girard indique explique que l’on s’adonne au lynchage collectif comme expiation de la violence subie. Porté par la puissance de la foule on va lyncher un bouc-émissaire qui remplira sa fonction antique d’être sacrifié pour le bien de tous. Il est un exutoire puisqu’il transcende les participants à un acte de violence légal puisque général. Mais lorsque le bouc-émissaire est innocent cela va avoir des répercussions sur ceux qui l’ont lynchés. Cela les a certes liés entre eux et ils doivent maintenant justifier ensemble cette inhumanité dont ils ont fait preuve. Alors ils vont souvent justifier leur violence en la mythifiant, se comparant à des anges envoyés par Dieu pour châtier le méchant. Cela va leur permettre une pensée transcendante et leur faire rechercher “le grand Bien” qui justifie leurs actions. (La violence et le sacré)
Lorsqu’ils ne peuvent pas trouver ce Bien qui justifie leur violence, dans le cas d’un bouc-émissaire trop innocent ils vont devoir laisser place à la culpabilité.
C’est le sens du récit de Jésus, innocent crucifié qui pousse tout le monde occidental à changer de paradigme, et c’est ce qui se passe ici avec Akaki puisqu’étant dépourvu de tout désir il l’est donc de toute malice; il est aussi innocent que peut l’être la bête de somme où la machine. Alors la culpabilité entre en compte.
C’est à mon avis cette culpabilité qui donne envie aux collègues de faire une fête en l’honneur d’Akaki à l’occasion du nouveau manteau. Si la culpabilité n’est exprimée que par un seul collègue, celui qui entend “Tu es mon frère”, on sait aussi que les collègues sont des êtres indifférenciés avec un esprit de meute, et comme ce collègue n’est pas nommé (et donc différencié) on peut raisonnablement penser que les autres aussi ont entendu au fond de leur âme cet écho lointain d’empathie. N’est ce pas une valeur universelle? C’est pour ça que tous seront réellement peinés lorsqu’il perd son manteau, qu’ils feront une petite quête et qu’un collègue viendra le conseiller amicalement. Ce sentiment précède le vol et n'en est donc pas une conséquence. Il suit les moqueries et le "mais que vous ai-je donc fait?"
Je sais pas si vous avez lu le passage de la fête comme moi, mais je redoutais une énorme mise en scène cruelle, qui n’aurait comme but que d’humilier Akaki et de pointer du doigt sa misérable condition, mais pas du tout! J'étais incertain et confus en lisant ce passage comme l'est Akaki, mais force est de reconnaître qu'ils insistent réellement pour faire cette fête en l’honneur d’Akaki jusqu’à ce qu’un autre collègue la prenne même à sa charge; ils le retiennent vraiment sans malice lorsqu’il veut partir et aucun mauvais coup n'est planifié. On voit là un vrai déploiement d’humanité qui contrebalancent les moqueries du début, ce qui permet selon moi d’appliquer l’idée de René Girard et montre leur culpabilité. Akaki reçoit lui-même plus de marque d'affection que le manteau lui-même lors de la fête. Ce n'est pas parce que son manteau est beau qu'Akaki est célébré puisque malgré le soin déployé, le tailleur est un mauvais tailleur, c'est parce qu'ils veulent célébrer Akaki et sa nouvelle peau - symbole dun changement qu'ils veulent depuis qu'ils se sont sentis coupables - qu'ils trouvent le manteau très beau. Ils retiennent Akaki deux fois malgré son hébètement et le défaut de charisme qu'on peut lui supposer, mais lorsqu'ils quittent tous l'antichambre joyeusement, ils laissent tomber le manteau par terre montrant bien qu'il n'est qu'un prétexte et n'est le centre de l'attention que lorsqu'Akaki le porte.
Mais cela ne s’arrête malheureusement pas là parce que le problème dépasse de loin l’organisation professionnelle des collègues et ne peut-être réduit à un simple problème d'intégration d'Akaki. Son abrutissement qui dure depuis qu'il est fonctionnaire l'empêche maintenant qu'il a un désir de bien répondre à son expression. L'intelligence, ça se muscle, et il est dans ce monde comme un homme naîf et stupide qui traverse un lieu dangereux en fermant les yeux, croyant que ça le prémunira du danger. Le garde l'a bien vu se faire dépouiller mais croyait qu'il était avec des amis, preuve qu'il n'a pas du agir de façon adéquat; il éveille la suspicion du commissaire et après être allé voir Son Excellence i]"Il ne sentait plus ni ses bras ni ses jambes. Jamais encore il n’avait été si vertement tancé par une Excellence et, qui plus est, par une Excellence dont il ne dépendait point.[/i] Une façon de dire que l’évenement n’est pas si grave en soi puisqu’Akaki ne dépend pas de cette Excellence, mais que n’ayant aucune immunité à la vie et au désagrément, ayant passé sa vie entière derrière son bureau à recopier des lignes, il se retrouve à mourir d'une angine.Telles sont parfois les suites d’un sérieux lavage de tête !
Ensuite c'est la même chose qui se produit avec Son Excellence. Désir mimétique qui le fait ressembler à ce qu'il pense être une Bonne Excellence, donc conformité, violence évacuée sur un souffre-douleur, puis quand il apprend la mort, empathie, remord.
Pourquoi il meurt lui aussi? Est ce bien Son Excellence? Le flou est délibérément posé avec l'absence de nom et l'ajout de la moustache, pour bien indiquer que ce n'est pas important. Son Excellence n'est qu'un membre de la meute comme tant d'autre et puisqu'il n'est pas nommé il n'est pas différencié. C'est sûrement lui mais si ce n'est pas lui, c'est un autre, car tout cela est inévitable.
En résumé, ces spectres sont la matérialisation des culpabilités des hommes, c'est l'humanité qui revient hanter un monde de bêtes et de robots
Intéressant, je te répondrai quand j'aurai un ordi à dispo parce que sur tel c'est pas évident de développer .
Mais sur le point "poète"
Pour moi le passage "poète" est plus sensible dans la création du manteau, pas sur son travail. Le manteau devient l'oeuvre poétique. C'est un peu capillotracté mais j'aime bien l'idée.
D'accord avec toi sur le reste globalement.
Les tomates mises avec les aromates se parfument et évitent partiellement les limaces. Ce qui n'empêche pas les règles, pas d'ail avec les tomates; les déchets de table c'est très bien au compost mais pas sous le lit.
Je suis pas sur de comprendre ce que tu veux dire par manteau comme oeuvre poétique, mais en tout cas en relisant le moment où il imagine et conçoit le manteau, il y a effectivement un déferlement inédit de poésie :
Comme il rêvait sans cesse à son futur manteau, cette rêverie lui fut une nourriture suffisante, encore qu’immatérielle. Bien plus : son existence elle-même prit de l’importance ; on devinait à ses côtés comme la présence d’un autre être, comme une compagne aimable qui aurait consenti à parcourir avec lui la route de la vie. Et cette compagne n’était autre que la belle pelisse neuve, à solide doublure ouatée.[...] Une flamme luisait parfois dans ses yeux, les pensées les plus audacieuses lui passaient parfois par la tête : pourquoi ne se commanderait-il pas un col de martre, après tout !
Pour la première fois on rentre dans ses pensées alors que le texte se bornait jusque la à décrire factuellement ses actions, et alors le manteau devient féminin, belle, douce (pelisse), excitante(neuve) et protectrice (solide doublure ouatée) et Akaki se crée une métaphore de la vie qui en compagnie de la belle pelisse prend un sens et devient "la route de la vie" . Premier langage symbolique d'Akaki suivi par le premier désir personnel et spontané "Pourquoi pas un col de martre, après tout!"
L'achat des différentes parties ne semble pas elle-même particulièrement poétique mais définitivement humaine :
On acheta, cela se conçoit, du drap de tout premier choix ; depuis un bon semestre qu’on y pensait, on avait eu le temps, de mois en mois, de s’informer des prix. Pétrovitch déclara d’ailleurs qu’on n’en trouverait pas de plus beau. Pour la doublure, on se contenta de calicot, mais d’un calicot de si haute qualité que, toujours selon Pétrovitch, il ne le cédait en rien à la soie et paraissait même plus lustré. Et comme la martre coûtait vraiment trop cher, on se rabattit sur du chat, en choisissant le plus beau du magasin ; d’ailleurs, à distance, il passerait toujours pour de la martre. La confection du manteau ne prit que deux petites semaines, et encore parce qu’il devait être ouaté et piqué ; autrement Pétrovitch l’aurait livré plus tôt. Le digne homme compta douze roubles de façon : on ne pouvait décemment demander moins, puisque tout était cousu à point arrière et à la soie, et que sur chaque couture Pétrovitch avait marqué avec ses dents les festons les plus divers.
Il y a tout : Lien social parce qu'ils sont deux sur la même tâche et que Pétrovitch partage sa subjectivité qui est reçue, choix esthétiques, pensées et planification en amont, et compromis lié à une limitation; Même une identification qui cette fois dépasse la simple portée du nom puisqu'elle s'inscrit physiquement avec l'empreinte des dents(?!)
Tout ceci confirme l'idée manteau comme objet de désir, prétexte à la pensée symbolique et poétique et de renouveau de vie (Flamme dans les yeux, lien social, etc).
Je suis très content de l'avoir lu, je l'aurais pas fait sans ça, donc merci !
Je suis pas un grand critique littéraire, donc je vais pas m'étendre. J'ai trouvé le portrait trop long,j'ai skimread toute la deuxième partie parce que j'en pouvais plus. Ptet j'étais pas en forme..
Lu. Super intéressant comme aperçu du style de Gogol et de la vie pétersbourgeoise de l'époque. Je retiens surtout le portrait première partie (la fluidité de l'ellipse...) et la punchline "cependant on voit bien que c’est un chien qui écrit" du journal d'un fou.
J arrive pas a m'y mettre, le livre me juge chaque fois que je passe devant. Javais oublié à quel point cest dur les lectures obligatoires (le but de ce message nest pas d'abandonner mais d'écrire ma nullité pour y remédier).