Ragisacam a écrit : 13 mai 2021, 14:38
Par contre, ayant évolué dans les secteurs banque/finance/assurance, vous avez du boulot pour les décennies à venir. C'est impressionnant, quand tu arrives à prendre du recul sur ce que tu fais, sur la capacité des individus à refuser l'évolution du monde dans lequel ils vivent et du coup envisager de remettre en cause ce qu'ils ont toujours fait.
Oui ça c'est clair : il y a énormément de choses à faire dans les banques, d'autant plus que le système d'information est le cœur du métier. Avec l'avènement du digital, la fin de la récrée avec des prêts à taux élevés qui suffisaient pour les marges et la désintermédiation, il y a vraiment masse chose à faire.
Ragisacam a écrit : 13 mai 2021, 14:38
Je n'aurai jamais la patience de faire un métier tel que le tien
Il faut admettre que ce n'est pas facile tous les jours, d'autant plus pour un profil comme moi pour lequel l'empathie n'était pas une compétence innée. C'est quelque chose que j'ai dû comprendre et apprendre, ce qui m'a également beaucoup servi après dans d'autres domaines.
Honnêtement, je pense que je suis passé à côté de la première partie de ma carrière professionnelle car je n'avais pas compris l'intérêt des compétences "change" (prononcé à l'anglais, "tchêêênge") et que j'étais dans une entreprise qui ne formait pas ses consultants (pas de formation, pas de coaching). Pour moi, j'étais un consultant à l'ancienne : j'étais là pour débarquer quelque part, secouer tout le monde, dérouler ce que j'avais appris et me barrer pour recommencer ailleurs. Je croyais vraiment à ce que je faisais : sur l'énergie et le climat, ce sur quoi je travaille principalement, il fallait se bouger le cul et j'ai toujours refusé de rejoindre EDF parce que c'était une entreprise sclérosée de boomers. J'étais super content de me balader dans différentes entités pour secouer tout le monde.
Je passais ainsi complètement à côté de ce qu'a décrit Rémi dans le précédent post : la conduite du changement pour faire émerger l'intelligence collective, avec les vieux experts qui avaient leur réseau et leur compétence et donc un réel pouvoir d’action pour peu qu’on arrive à les embarquer, ce que je ne faisais pas : pour moi, ils appartenaient tout simplement au passé. Du coup, ce que je faisais était ok, mais l'émulsion avait du mal à prendre. J'avais des projets qui plantaient je ne savais pas trop comment et je n'ai compris quelques années plus tard que je n'avais pas le soutien du middle management, tout simplement parce qu'ils avaient l'impression de se faire déposséder de leur périmètre. Du coup, au moindre détail qui n'allait pas (et il y en a toujours), y'avait toujours un expert pour dire que ça n'allait pas et qu'il fallait recommencer, alors qu’il aurait pu dire que ce n'était pas grave car identifié et qu'on allait s'en débrouiller. Mon erreur face à ça a toujours été de me dire qu'il fallait donc faire des dossiers parfaits sans erreur, ce qui est un leurre : même si c'est bon, il y a toujours quelqu'un pour dire qu'il l'aurait dit autrement et monter inconsciemment le sujet en épingle et ainsi ralentir le mouvement. L'avantage de cela est que je suis rapidement devenu expert de ce que je faisais, mais je devais bosser 4 fois plus que d'autres pour engager un dossier, sans certitude que cela puisse fonctionner. C’était par ailleurs très frustrant de voir certains de mes collègues que je ne trouvais vraiment pas ouf réussir parfois mieux que moi, sans que je comprenne pourquoi.
J'ai fini par changer de boite parce que j'ai fini par comprendre que quelque chose ne fonctionnait pas dans ce que je faisais et que ce n'était pas mon entreprise actuelle qui allait m'apprendre à corriger le tir. Quand j'ai posé ma démission, ça a fait un foin pas possible en interne et on m'a proposé 30% d'augmentation (sur un salaire déjà vraiment pas dégueux) + passage de grade pour rester. J'ai refusé. Je m'en suis mordu les doigts pendant 2 ans je pense car dans ma nouvelle boite, où il y avait masse coaching et formations, j'ai pris plusieurs taquets justement parce que j'avais beau être un super expert et offrir une visibilité inédite au cabinet, j'étais à la rue sur tout ce qui était conduite du changement.
J'ai beaucoup lu, j'ai pris au sérieux les feed back qu'on m'a fait, j'ai toujours eu des bonnes évals malgré tout cela et ça m'a bien motivé. Au bout de 2 ans, j'ai réalisé pleins de trucs et mon métier est devenu beaucoup plus facile. Un peu comme quand tu enlèves des chaussures qui étaient beaucoup trop serrées en te demandant comme tu as pu les porter tout ce temps.
J'ai travaillé sur un projet complètement nuts de "Smart Grids" au début des années 2010. Le topo était simple : rien ne fonctionnait, le management était ultra attendu sur le sujet, il y avait un gros budget et l'interne qu'ils avaient mis là ne savait pas ce qu'il faisait ici. On a beaucoup bossé, on a embarqué du monde, on a lu beaucoup de choses mais surtout, on a écouté, on a pris le temps de comprendre pourquoi ça ne fonctionnait pas. J’ai utilisé des outils de management bullshit que je méprisais et ne pensais pas utiliser un jour. Au final, on était dans les grands classiques exposés plus haut de pourquoi les nouveaux projets ne fonctionnent pas. ça a été un énorme succès que je n'aurais pas été capable de produire dans mon ancienne boite.
Donc oui, tu m'as triggerd

. C'est vraiment pas simple : ça demande du temps, de l'empathie, de l'écoute en plus de toute la méthodologie et parfois l'expertise comme je peux le faire parce que j'ai à cœur de travailler sur une cause qui m'importe. Tout ça sachant que c'est vraiment un secteur hyper concurrentiel où chacun fait le métier à sa sauce, ce qui explique aussi qu'on ait des clients très différents. Je croise souvent One Point sur mes missions mais jamais la boite de Watanabe par exemple, tout simplement parce que je pense que l'angle sous lequel on aborde les problèmes n'est pas le même : ça parle plus à certains clients qu'à d'autres et le terrain est très vaste. D'où le fait que les terrains ne se recoupent pas toujours mais qu'au final, on en fait pas ce qu'on veut sur les prix auxquels on vend aux clients vu la concurrence très présente dans le domaine.
Au début on voulait faire les 10 Commandements, mais on n'avait pas de pyramide. Alors on a voulu faire Autant en emporte le vent, mais on n'avait pas Clark Gabble. Alors on a filmé le chat